Catégorie : Promotion de la Russophonie

La Russophonie : Pour historiens et géographes

Pour Historiens et Géographes : article sur la Russophonie

 

Titre : La Russophonie : Espace de cultures anciennes pour de nouvelles  Solidarités

 

 

En Estonie, en Ukraine, en Géorgie, l’usage de la langue russe sert de pretexte ou se retrouve aujourd’hui au centre de conflits et de tensions. Pourtant, l’usage d’une langue régionale d’importance mondiale qui implique un certain nombre de références communes et permet une communication privilégiée entre nationalités et un accès à l’international est incontestablement une richesse et un avantage pour tous les peuples qui en disposent, pourvu que son utilisation soit bien définie et appréhendée par tous. Personne ne doute de la nationalité de Senghor ou de Céline Dion lorsqu’ils parlent français. Pourquoi douterait-on de celle de Saakachvili (président géorgien) ou de Iouchtchenko (président ukrainien) lorsqu’ils parlent russe ? Il n’y a qu’eux mêmes pour en douter. Est-ce une raison de priver leurs peuples d’un patrimoine commun qui ouvre objectivement  un champ non négligeable de coopérations et de solidarités et non de divisions, sans compter que parfois une partie de ce peuple est de langue maternelle russe et l’empêcher de la pratiquer est une atteinte à une liberté reconnue et évidente de nos jours en Europe. Mais la russophonie c’est bien plus qu’une défense du droit de minorités ethnico-linguistiques. La russophonie c’est un patrimoine commun de tous les peuples concernés.

 

La notion de russophonie répond à la réalité géopolitique contemporaine, quinze ans après l’éclatement de l’URSS, et les vagues d’émigration de populations russophones qu’a connues le siècle dernier dans le monde entier. Elle recouvre aujourd’hui un espace important dépassant de beaucoup la seule Russie et concerne environ 300 millions de personnes à l’échelle mondiale. Elle est le produit de l’Histoire, de migrations de populations et des progrès techniques.

 

A la suite des bouleversements du XX-ème siècle, de nombreuses populations, administrées à certains moment par l’Empire russe, l’URSS, ou plus tard, la Fédération de Russie, voire d’autres Etats ex-soviétiques, se sont trouvées dispersées de par le monde. Soit en tant qu’entités ou nations partiellement russophones, soit en tant qu’individus, pour qui la langue russe est une part plus ou moins importante de leur personnalité, de leurs connaissances et de leur culture.

 

 Diaspora et patrimoine universel

 

Aujourd’hui, ces populations russophones sont souvent installées définitivement dans leurs Etats d’accueil, auxquels elles se sont intégrées et dont elles sont devenues membres à part entière, tout en conservant, en plus de la langue locale, l’usage de leur langue d’origine.

 

Pour d’autres, des Etats ayant recouvré leur indépendance ou l’ayant acquise après l’implosion de l’URSS, disposent de fait d’une double culture et d’une langue supplémentaire, en plus de leur langue nationale. Elle s’avère particulièrement utile pour la communication entre nationalités et pour accéder à des connaissances et des technologies peu accessibles dans des langues plus locales.

 

Il en résulte que la langue russe est devenue un patrimoine mondial, une richesse commune à de nombreux Etats, nations et personnes dispersés à travers tout le globe.

 

Sur internet, où le monde russophone se montre particulièrement actif et créatif, la russophonie est une réalité mondiale concrète et vivante.

 

De nombreux voyageurs et migrants modernes, compte tenu d’une certaine ouverture des anciennes frontières de « l’Est » et grâce aux moyens de transport contemporains, véhiculent largement la langue russe qui est leur, en plus parfois d’une langue plus rare ou plus locale, et s’en servent pour communiquer au cours de ces déplacements et pour leurs échanges de toutes natures.

 

La communauté russophone s’enrichit à nouveau chaque année de personnes de différentes nationalités qui accèdent à la langue russe à travers son enseignement dans de nombreux pays. Après un recul sensible durant les 15 années de bouleversement que l’on vient de connaître, le russe redevient « utile » grâce au poids économique de la Russie et des marchés auxquels il facilite l’accès, dont le tourisme n’est pas le moindre.

 

La manifestation concrète de la russophonie est ainsi l’utilisation de la langue russe comme un outil privilégié, et parfois unique, d’accès à la culture, aux connaissances et aux technologies modernes, de communication et d’échanges, notamment commerciaux, à travers le monde entier. Dans des pays comme la Tchèquie où le russe était mal ressenti après l’invasion soviétique de 1968, on voit aujourd’hui partout des inscriptions et indications en russe et les commerçants vous parlent spontanément en russe. Même en Pologne, où la mauvaise volonté pour apprendre le russe, pourtant voisin sur le plan linguistique autant que géographique, était proverbiale et où aujourd’hui à nouveau la haine du voisin est cultivée, les citoyens ordinaires se mettent à pratiquer une langue utile pour leurs échanges commerciaux.

 

des antagonismes irrationnels

 

La russophonie est un espace linguistique et culturel commun à de nombreux peuples, indépendamment de leurs appartenances ethniques, nationales, religieuses, politiques voire même stratégiques. C’est un patrimoine commun unifiant de fait des populations parfois poussées à l’affrontement, notamment dans le chaos post-soviétique.

 

Car cette vocation unificatrice et pacifique, à priori enrichissante pour tous ceux qui disposent à un titre ou un autre de la connaissance du russe (comme de toute autre langue et culture), est parfois dévoyée et transformée au contraire en objet d’antagonisme, de pression et par là même de conflit. C’est malheureusement le cas en Ukraine ou dans les Pays baltes.

 

Des nationalismes blessés dans le passé ou peu sûrs d’eux-mêmes cherchent à s’imposer en privant leurs populations d’une richesse supplémentaire réelle dont elles disposent de fait. Non contents de «tirer une balle dans le pied » de leur propre pays et de sa population, ils en arrivent à porter atteinte aux droits élémentaires de minorités, souvent importantes comme en Ukraine ou en Lettonie, en limitant leur liberté de se servir de leur langue.

 

D’autres pays en revanche, comme l’Azerbaïdjan, l’Ouzbékistan, le Kazakhstan, l’Arménie ou Israël reconnaissent et utilisent pleinement les avantages du bilinguisme.

 

Le russe n’est plus la langue appartenant à la seule Russie. Il est devenu l’outil de communication commun privilégié, souvent indispensable et unique dans beaucoup de pays de l’ex-URSS voire de l’est de l’Europe ou entre personnes y ayant vécu. Il est un lien avec le reste de la communauté internationale.

 

Le maintien de son caractère mondial aux cotés d’autres langues comme le français, l’espagnol, l’allemand, l’arabe ou le portugais est aussi une importante garantie de préservation de diversité culturelle et intellectuelle dans le monde sous le monopole de fait de l’anglais. Une véritable œuvre de biodiversité dans le domaine culturel avec une implication réelle pour un monde vraiment multipolaire, meilleure garantie contre d’éventuelles hégémonies.

 

Ce caractère mondial justifie l’intérêt qu’on peut porter au russe également en France, à une échelle dépassant quelques spécialistes.

 

L’exemple de la francophonie

 

Compte tenu de nos tendances à rationaliser et classer les choses, c’est paradoxalement en France, pays faiblement russophone et où l’éducation nationale fait reculer l’étude du russe (laissant le champ libre aux cours privés florissants), qu’est née l’initiative de nommer la russophonie et de concrétiser notre volonté de ne pas rester en dehors de ce nouvel espace à vocation universelle.

 

Une Union des russophones de France a été créée en 2006 (www.russophonie.org) et un prix littéraire Rusofonia – Russophonie, récompensant la meilleure traduction de russe en français a été remis en janvier 2007 pour la première fois à l’issue de l’exposition Expolangues à Paris.

 

Bien sûr, l’exemple de la francophonie n’est pas étranger à l’initiative. Les Français ont bien compris maintenant que le rayonnement de leur pays a pu se maintenir dans le monde pour une bonne part grâce à la francophonie. Les Français disséminés ici ou là dans le monde n’auraient pas pu assurer la pérennité d’un tel espace culturel et linguistique, souvent source de solidarités sur d’autres plans. Ils se sont donc résolus à partager leur langue et à participer au développement du patrimoine commun.

 

Car la francophonie n’est pas née en France ! Elle a mis du temps à y être comprise et acceptée : près de deux cents ans, disent les Québécois ou les Cajuns… Il a fallu les indépendances africaines et des initiatives comme celles du poète-président sénégalais Léopold Sédar Senghor, soucieux de préserver le seul élément unificateur entre les nouveaux états indépendants, souvent artificiellement créés par la colonisation. Pour eux, la francophonie était une nécessité, un atout supplémentaire.

C’était moins évident pour la France car la France est naturellement francophone.

 

Tout comme la Russie d’aujourd’hui est naturellement russophone et pense plus en terme de « compatriotes à l’étranger » qu’en termes de partage de son héritage linguistique et culturel.

 

Au risque de décevoir ceux qui en Asie centrale, dans le Caucase, en Ukraine, voire même dans les pays balte, quelquefois malgré les propagandes hostiles et les tentatives d’antagonisme évoquées plus haut, restent attachés à la langue russe, partie intrinsèque de leur personnalité, sans pour autant renier leur propre langue, culture ou nationalité.

 

On retrouve la même aspiration parmi les russophones souvent nombreux en Israël, en Allemagne, en Australie, en Amérique ou en France. Hâtivement perçus comme « Russes », les Ukrainiens, Géorgiens, Biélorusses, Moldaves ou Lituaniens vivant dans ces parties du monde créent souvent une solidarité russophone de fait mais restent eux-mêmes. Ils ne peuvent plus être considérés simplement comme des compatriotes par les Russes ou comme des « Russes » par les autres.

 

Sur le terrain, dans la presse et la toile internet, la réalité s’est créée. Il lui restait à être nommée et définie. C’est chose faite en France.

 

Dimitri de Kochko

Journaliste-réalisateur

Président de l’Association France-Oural

Co-fondateur de l’Union des russophones de France

 

Encadré 1: Titre ; Et pourtant ils parlent russe…

 

En novembre dernier, le président géorgien Mikhaïl Saakachvili a demandé à son homologue ukrainien, Viktor Iouchtchenko d’être le parrain de son enfant. Les deux mènent actuellement une politique semblable d’hostilité à la Russie afin notamment de se faire admettre à l’OTAN. Mais ils ont un autre point commun : s’ils veulent parler sans interprète ils le font en russe !

Il en sera de même entre un Ouzbek et un Letton et bien souvent entre un Israélien et un Bulgare, sans même parler de l’ancien étudiant congolais en Urss qui souhaite communiquer avec un Australien descendant de cosaques ou le scientifique biélorusse d’Oklahoma city « chatant » sur internet avec un Allemand de la Volga revenu à Nuremberg…

DK

 

Illustration : photomontage « Rusofonia »

 

 

(pièce jointe)

Encadré 2

 

Cet « appel mondial » a été adopté par l’Union des russophones de France lors de son Assemblée constitutive en septembre 2006.

 

 

 

 

 

                                  APPEL MONDIAL POUR LA RUSSOPHONIE

 

 

1) Nous, russophones vivant dans différents pays du monde, de toutes nationalités et de

toutes langues maternelles, constatons que la langue russe s’avère être notre moyen de

communication commun souvent indispensable et unique et notre lien le plus sûr au

reste de la communauté internationale.

 

2) La langue russe est notre bien commun, quels que soient notre Etat et notre langue

maternelle ou les autres langues pratiquées. C’est pourquoi, nous souhaitons pouvoir la

pratiquer et assurer son caractère mondial ainsi que l’extension de son étude et de ses

utilisations dans le respect de la diversité des cultures et des civilisations de la planète.

 

3) La dispersion de russophones dans différentes parties du monde et dans différents Etats a

eu des raisons historiques, économiques, familiales et autres qui appartiennent au passé.

Compte tenu du progrès et des défis du monde contemporain, elle est appelée à se

poursuivre pour d’autres raisons et à renforcer son caractère universel et non plus lié à

un seul Etat du monde.

 

4) La communication entre russophones du monde existe d’ores et déjà, notamment par

l’Internet, les télécommunications et les mass media. Elle est intensive et riche par son

contenu dans tous les domaines de la création humaine mais elle demeure une réalité de

facto, sans reconnaissance ni garantie de pérennité face aux tendances à l’uniformisation

de l’espace culturel mondial.

 

5) Nous appelons d’abord les russophones eux-mêmes à prendre conscience du caractère

d’outil indispensable de la langue russe pour de nombreux pays et personnes, aussi bien

entre eux qu’au niveau mondial, au côté et dans le respect des autres langues pratiquées

dans leurs pays respectifs.

 

6) Nous appelons l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture

(UNESCO), l’Union européenne, les Gouvernements et les sociétés civiles concernés, à

reconnaître la valeur et l’utilité de la langue russe pour une plénitude de communication et

une richesse harmonieuse des cultures dans le monde contemporain.

 

7) Cette reconnaissance est assurée par la liberté d’user de la langue russe par toutes les

personnes et populations qui le souhaitent, quels que soient leur nationalité et leur

environnement culturel, ainsi que par la liberté de promouvoir l’étude du russe et son

utilisation au rang d’autres langues utilisées dans les communications mondiales.

 

8) Pour contribuer efficacement à la réalisation de ces objectifs, nous appelons dans le

monde entier à créer des Alliances russophones comme structures de promotion du russe

et du patrimoine culturel lié à cette langue dans leurs pays respectifs en conformité avec

leurs législations. Ces alliances auront pour vocation de se regrouper en réseau au sein

d’une Alliance Internationale des Russophones.

 

9) Nous nous adressons aussi à toutes les organisations et les personnes attachées aux valeurs

et à la préservation de la diversité des cultures et civilisations à se joindre à cet appel.

Paris – Septembre 2006 /DK

Union des Russophones de France (URF)

 

Le même en russe :

 

                    ВСЕМИРНЫЙ ПРИЗЫВ

                В ПОДДЕРЖКУ РУСОФОНИИ

1) Мы, русофоны, живущие в различных странах мира, люди разных национальностей и

разные по родному языку, заявляем, что русский язык является для нас общим

средством коммуникации, зачастую необходимым и единственным, а также нас прочно

связывает в среде международного сообщества.

2) Русский язык – наше общее достояние, независимо от гражданства, родного языка и

других языков, на которых мы говорим. Поэтому мы стремимся иметь возможность

общаться на этом языке и способствовать его всемирному распространению, а также

расширению сферы его изучения и использования, уважая принципы многообразия

культур и цивилизаций на планете.

3) Рассеяние русофонов по разным частям света и различным государствам происходило по

историческим, экономическим, семейным и прочим причинам, которые относятся к

прошлому. Учитывая сегодняшний прогресс и наличие вызовов современного мира,

рассеяние русофонов, очевидно, будет продолжаться по иным причинам. Оно будет в

большей степени становиться универсальным и не будет связано только с одной страной.

4) Общение между русофонами мира уже существует, благодаря Интернету, средствам

коммуникации и массовой информации. Это – богатое и насыщенное общение,

касающееся всех областей человеческой деятельности, однако оно представляет собой

реальность де-факто, не имеющую ни признания, ни гарантий, которые обеспечивали бы

его жизнеспособность в свете тенденции унификации мирового культурного пространства.

5) Мы обращаемся прежде всего к самим русофонам с призывом осознать, что русский язык –

это необходимое средство общения для многих стран и людей, как на личностном, так и

на мировом уровнях, наравне с другими языками стран проживания.

6) Мы призываем ЮНЕСКО, Европейский Союз, заинтересованные Правительства и

гражданское общество признать ценность и пользу русского языка с тем, чтобы

способствовать более полному общению и гармоничному u1074 взаимообогащению культур в

современном мире.

7) Подобное признание выражается в свободе говорить по-русски для отдельных

личностей и групп населения, которые этого желают, независимо от их

национальности и культурной среды, а также в свободе продвигать изучение русского

языка и его использование наряду с другими языками межнационального общения.

8) С целью эффективной реализации поставленных задач, мы обращаемся с призывом ко

всему миру создавать Альянсы русофонов в качестве структур по продвижению

русского языка и связанного с ним культурного наследия в различных странах, в

соответствии с законодательством последних. Предназначение таких Альянсов в том,

чтобы объединиться путем создания сети вокруг Международного Альянса русофонов.

9) Мы также призываем все организации и отдельных лиц, кто убежден в ценности и

важности сохранения культурного разнообразия, присоединиться к этому призыву.

СОЮЗ РУСОФОНОВ ФРАНЦИИ (СРФ) Париж , 16 сентября 2006 года

 

 

Résumé demandé en russe :

 

 

Cуть понятия «русофония» состоит в том, что во всех странах мира миллионы людей, независимо от их национальности, говорят на русском языке, который для многих из них является предпочтительным, а порой и единственным средством для доступа к культуре, современным знаниям и технологиям.

Рассеяние русофонов по разным частям света и различным государствам происходило по

историческим, экономическим, семейным и прочим причинам, которые относятся к

прошлому. Учитывая сегодняшний прогресс и наличие вызовов современного мира,

рассеяние русофонов, очевидно, будет продолжаться по иным причинам. Оно будет в

большей степени становиться универсальным и не будет связано только с одной страной.

Общение между русофонами мира уже существует, благодаря Интернету, средствам

коммуникации и массовой информации. Это – богатое и насыщенное общение,

касающееся всех областей человеческой деятельности, однако оно представляет собой

реальность де-факто, не имеющую ни признания, ни гарантий, которые обеспечивали бы

его жизнеспособность в свете тенденции унификации мирового культурного пространства.

Русский язык – общее достояние русофонов всего мира, независимо от гражданства, родного языка и других языков, на которых они говорят. Всемирное распространение и сохранение русофонии одна из гарантии многообразия культур и цивилизаций на планете, что является наилучшем предохранителем против возможных попыток гегемонизма.

Русофония это осознание, что русский язык – необходимое средство общения для многих стран и людей, как на личностном, так и на мировом уровнях, наравне с другими языками.

 

В субботу 16 сентября 2006 г. состоялось первое, учредительное, собрание Союза русофонов

Франции (Union des Russophones de France). Информацию о Союзе русофонов Франции вы можете найти на сайте СРФ:

www.russophonie.org, либо обратиться в Правление по email : union@russophonie.org.

Так-же можете посмотреть www.prix-russophonie.org

Union des Russophones de France Союз русофонов Франции

Association régie par la loi du 1er juillet 1901

14, rue des Tapisseries, 75017 Paris

www.russophonie.org ; union@russophonie.org

 

Logo de l’Union des russophones _

 

 

 

Résumé en français :

 

La notion de russophonie répond à la réalité géopolitique contemporaine, quinze ans après l’éclatement de l’URSS, et les vagues d’émigration de populations russophones qu’a connues le siècle dernier dans le monde entier. Elle recouvre aujourd’hui un espace important dépassant de beaucoup la seule Russie et concerne environ 300 millions de personnes à l’échelle mondiale. Elle est le produit de l’Histoire, de migrations de populations et des progrès techniques.

A la suite des bouleversements du XX-ème siècle, de nombreuses populations, administrées à certains moment par l’Empire russe, l’URSS, ou plus tard, la Fédération de Russie, voire d’autres Etats ex-soviétiques, se sont trouvées dispersées de par le monde. Soit en tant qu’entités ou nations partiellement russophones, soit en tant qu’individus, pour qui la langue russe est une part plus ou moins importante de leur personnalité, de leurs connaissances et de leur culture.

Le russe s’avère particulièrement utile pour la communication entre nationalités et pour accéder à des connaissances et des technologies peu accessibles dans des langues plus locales. Il en résulte que la langue russe est devenue un patrimoine mondial, une richesse commune à de nombreux Etats, nations et personnes dispersés à travers tout le globe. Sur internet, où le monde russophone se montre particulièrement actif et créatif, la russophonie est une réalité mondiale concrète et vivante.

Le russe n’est plus la langue appartenant à la seule Russie. Il est devenu l’outil de communication commun privilégié, souvent indispensable et unique dans beaucoup de pays de l’ex-URSS voire de l’est de l’Europe ou entre personnes y ayant vécu. Il est un lien avec le reste de la communauté internationale.

Le maintien de son caractère mondial aux cotés d’autres langues comme le français, l’espagnol, l’allemand, l’arabe ou le portugais est aussi une importante garantie de préservation de diversité culturelle et intellectuelle dans le monde sous le monopole de fait de l’anglais. Une véritable œuvre de biodiversité dans le domaine culturel avec une implication réelle pour un monde vraiment multipolaire, meilleure garantie contre d’éventuelles hégémonies.

 

Précisions supplémentaires sur : www.russophonie.org, ou  www.prix-russophonie.org

Dimitri de Kochko

 

Extrait Master Russophonie

1      L’instrumentalisation de la langue russe, principal obstacle à la « russophonie »?

Pourtant, la langue russe reste souvent vue comme le vecteur de l’influence de la Russie sur son « étranger proche »[1]. Comme le précise Thomas Gomart : « Au cours des dernières années, les autorités russes ont pris conscience de l’importance de leur langue comme vecteur d’influence. » [2]. Dans la loi du 1er juin 2005 sur la langue d’État de la Fédération de Russie, les autorités russes semblent se présenter comme le défenseur de la langue russe et comme son seul propriétaire[3]. Dans l’article 4, elles s’engagent à défendre et à soutenir la langue russe, autant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Fédération de Russie. Malgré le précédent de la guerre en Ossétie du Sud, la Russie est consciente de ne plus pouvoir utiliser aussi ouvertement les moyens coercitifs habituels, militaires ou économiques, et elle a donc, de plus en plus, recours au « soft power » dont la langue est le fer de lance[4]. La Russie voit dans la défense des minorités russes et du statut de la langue russe dans son « étranger proche » une nouvelle manière d’influencer et de peser sur l’espace post-soviétique. Et c’est là sans conteste la principale pierre d’achoppement du projet de russophonie. Tant que la langue russe sera utilisée comme un outil pour la défense des seuls intérêts russes, et définie comme la propriété exclusive des Russes, l’avenir du projet sera compromis.

Une plus grande diffusion de la langue russe constitue indéniablement un avantage pour la Russie. Mais si la langue russe peut parfois être imposée dans les échanges du fait des rapports de force, elle peut également résulter d’un choix et se révéler un atout pour les russophones eux-mêmes, quelle que soit leur origine.

2      Les atouts de la « russophonie ».

2.1   Le russe comme langue supranationale, une solution pour réduire les tensions interethniques ?

 

En plus du statut de langue véhiculaire à l’intérieur de l’espace post-soviétique, entre les populations des différents États, le russe pourrait également servir de langue de communication interethnique à l’intérieur même des frontières de ces États.

Ces pays, dont les frontières ont souvent été établies de manière arbitraire, sont rarement homogènes d’un point de vue ethnique. Les minorités ethniques y sont nombreuses, tout comme les langues qu’elles utilisent. Ce constat est particulièrement vrai dans le Caucase, « la montagne des langues », et en Asie centrale. En Géorgie par exemple, la langue éponyme est loin d’être la langue maternelle de tous les Géorgiens. Les Arméniens de Djavakhétie au sud du pays, les Ossètes, les Abkhaze ou encore la minorité azéri ne maîtrisent pas tous le géorgien et ne comprennent pas toujours l’intérêt d’apprendre une langue dont ils n’auraient que rarement l’utilité[5]. En revanche, ces populations maîtrisent toutes assez bien le russe. La situation est identique au Kazakhstan où les minorités non-russes (principalement les Allemands et les Coréens) sont traditionnellement russophones[6].

Les autorités des différents pays concernés ont souvent fait le choix d’imposer comme seule langue officielle celle de la nation tutélaire. Cette préférence linguistique affichée peut s’avérer une source de tensions interethniques. Une solution pour désamorcer ces tensions pourrait résider dans le choix du russe comme langue de communication interethnique. Ce choix a déjà été fait au Tadjikistan ou en Moldavie par exemple. C’est un rôle qu’a pu par exemple endosser le français dans certains pays d’Afrique dont les frontières ont souvent été établies de manière arbitraire, sans tenir compte de la répartition ethnique. Ces pays  regroupent donc en leur sein de nombreux groupes ethniques différents. Pour ne pas en mettre en avant et en favoriser un en particulier, le besoin d’une langue supranationale s’est fait ressentir et le français a parfois pu apporter une solution pratique.

Dans les pays qui nous intéressent, le russe pourrait également tenir ce rôle, mais seulement à partir du moment où la langue russe sera dépouillée de ses sous-entendus politiques, ethniques et ne sera plus vue comme une arme où un outil de l’influence russe.

Débarrasser la langue de ces sous-entendus serait également profitable aux autorités des pays dont une partie de la population est russophone. Ces populations, du fait de leur langue sont souvent accusées de sympathie pour la Russie et suspectées d’appuyer les positions du Kremlin. Voir la langue russe comme ce qu’elle devrait être, une langue de communication partagée par des populations diverses, serait un moyen de réduire les tensions et d’intégrer ces minorités en en faisant des citoyens à part entière

2.2   Le russe comme langue passerelle, une chance pour les russophones

La langue russe, de par le nombre de ses locuteurs, a une audience importante. Il est vrai principalement sous l’impulsion de la Russie, les médias russophones (radio, télévision, journaux) sont nombreux et dynamiques. Pour les russophones non-russes, c’est un moyen de s’informer et d’ouvrir une fenêtre sur le monde, ce que ne leur permet pas toujours leur langue maternelle, dont le public et les moyens sont plus restreints. C’est donc via le russe que les populations de ces pays ont accès aux auteurs étrangers, souvent traduits en russe, à des articles scientifiques, ou même aux œuvres cinématographiques étrangères, doublées en russe. « Plus généralement, la Russie [en fait plutôt la langue russe] sert d’interface entre la culture occidentale et les populations de la CEI. Par conséquent, l’influence russe au sein de l’espace post-soviétique ne s’exerce pas à sens unique, mais relie différents sous-ensembles régionaux et le système monde. [7]» commente très justement Thomas Gomart. La langue russe permet à certains peuples une plus grande visibilité sur le monde mais aussi une plus grande visibilité de leur propre culture. Le russe est également un moyen pour les différentes cultures de l’espace post-soviétique de toucher le reste du monde. Soutenant cette idée, Dimitri de Kochko parle de langue passerelle[8] et donne l’exemple de l’écrivain kirghiz Tchinguiz Aïtmatov. Celui-ci a écrit ses premiers romans en kirghiz, avant d’adopter le russe comme langue d’écriture. L’utilisation du russe lui a permis d’accéder à une visibilité beaucoup plus importante sur la scène littéraire européenne et internationale. C’est à partir de la version russe que Louis Aragon a traduit en français « Djamilia », un des premiers romans de l’écrivain Kirghiz. Aïtmatov présente ainsi son rapport à la langue russe : « La vie a voulu que mon fonds culturel se soit structuré dans les deux langues. C’est grâce au russe que j’ai pu découvrir la culture mondiale, car tous les grands livres des classiques mondiaux sont traduits dans cette langue, c’était là déjà une richesse toute prête dont j’ai pu profiter. [9]». Et d’ajouter : « C’est par le russe que nous nous sommes fait connaître et que nous continuerons à affirmer notre existence à l’Ouest comme à l’Est. Nous autres membres de la CEI, le rattachement au russe, nous permet d’accéder à des horizons infiniment plus vastes. [10]»

Le rapport de Tchinguiz Aïtmatov à la langue russe est apaisé. Il conçoit  cette langue comme un atout. Pour lui, écrire ou communiquer en russe n’est pas servir les desseins de la Russie ou d’un quelconque parti. Bien au contraire, cela lui permet de présenter à un public plus large son point de vue, ses histoires ainsi que sa culture kirghize.

Aïtmatov est loin d’être le seul écrivain non-russe à écrire en russe. On peut mentionner des auteurs plus contemporains comme Andreï Kourkov, écrivain ukrainien de langue russe, ou Elena Botchorichvili. D’origine géorgienne mais écrivant en russe, vivant au Québec et donc en contact quotidien avec la notion de francophonie, qui mieux que celle-ci peut comprendre les atouts de la russophonie ?

Mais cette prise de conscience n’est pas le fait des seuls écrivains. Je collabore régulièrement et de manière bénévole avec le Centre d’accueil des demandeurs d’asile des Hauts-de-Seine, en tant qu’interprète auprès de réfugiés tchétchènes. C’est ainsi que j’ai rencontré Magomed, arrivé en France avec sa famille il y a quelques mois de cela et en pleine démarche de demande d’asile. J’étais intrigué de savoir qu’elle pouvait être son rapport à la langue russe, lui qui avait été poussé à quitter son pays après les persécutions qu’il avait subies de la part du pouvoir russe. Magomed aurait eu toutes les raisons de détester une langue qu’il aurait pu assimiler à un pouvoir russe à l’origine de tous ses maux. Pourtant ce n’est pas le cas. A ma question il fit cette réponse : « J’en veux aux soldats, aux combattants, pas aux Russes dans leur ensemble, pas aux femmes ni aux enfants et encore moins à la langue. Celle-ci n’est pas coupable. J’ai étudié la langue russe à l’école. Sans elle, je ne pourrais pas vous parler maintenant, raconter ici mon histoire, je serais dans l’impossibilité de me faire comprendre. »[11]. Lui aussi dissocie langue et pouvoir et voit au contraire sa connaissan ce du russe comme un avantage qui l’aide ou qui a pu l’aider tout au long de son parcours.

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13 L’instrumentalisation de la langue russe, principal obstacle à la « russophonie »?

 

 

 

 

 

Pourtant, la langue russe reste souvent vue comme le vecteur de l’influence de la Russie sur son « étranger proche »[12]. Comme le précise Thomas Gomart : « Au cours des dernières années, les autorités russes ont pris conscience de l’importance de leur langue comme vecteur d’influence. » [13]. Dans la loi du 1er juin 2005 sur la langue d’État de la Fédération de Russie, les autorités russes semblent se présenter comme le défenseur de la langue russe et comme son seul propriétaire[14]. Dans l’article 4, elles s’engagent à défendre et à soutenir la langue russe, autant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Fédération de Russie. Malgré le précédent de la guerre en Ossétie du Sud, la Russie est consciente de ne plus pouvoir utiliser aussi ouvertement les moyens coercitifs habituels, militaires ou économiques, et elle a donc, de plus en plus, recours au « soft power » dont la langue est le fer de lance[15]. La Russie voit dans la défense des minorités russes et du statut de la langue russe dans son « étranger proche » une nouvelle manière d’influencer et de peser sur l’espace post-soviétique. Et c’est là sans conteste la principale pierre d’achoppement du projet de russophonie. Tant que la langue russe sera utilisée comme un outil pour la défense des seuls intérêts russes, et définie comme la propriété exclusive des Russes, l’avenir du projet sera compromis.

Une plus grande diffusion de la langue russe constitue indéniablement un avantage pour la Russie. Mais si la langue russe peut parfois être imposée dans les échanges du fait des rapports de force, elle peut également résulter d’un choix et se révéler un atout pour les russophones eux-mêmes, quelle que soit leur origine.

ce du russe comme un avantage qui l’aide ou qui a pu l’aider tout au long de son parcours.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[1] Le terme d’ « étranger proche », par opposition à celui d’ « étranger lointain » désigne en général les pays issus de la dislocation de l’URSS, moins les Pays baltes.  Cet espace est considéré par Moscou comme sa sphère d’influence. Le terme d’ « étranger proche » renvoie donc au point de vue de la Russie. C’est pourquoi a été privilégié dans le présent travail le terme d’espace ou de pays post-soviétiques. Sur le concept d’ « étranger proche » : http://www.regard-est.com/home/breve_contenu.php?id=1134

[2] Gomart, 2006, p.9.

[3] http://www.rg.ru/2005/06/07/yazyk-dok.html

[4] Facon, 2010, p. 71.

[5] Serrano, 2008, p. 277.

[6] Laruelle, 2004, p. 120.

[7] Gomart, 2006, p. 9.

[8] Communication personnelle. Interview réalisée en juin 2012.

[9] Sokologorsky, 2009, p. 74.

[10] Sokologorsky, 2009, p. 76.

[11] Communication personnelle.

[12] Le terme d’ « étranger proche », par opposition à celui d’ « étranger lointain » désigne en général les pays issus de la dislocation de l’URSS, moins les Pays baltes.  Cet espace est considéré par Moscou comme sa sphère d’influence. Le terme d’ « étranger proche » renvoie donc au point de vue de la Russie. C’est pourquoi a été privilégié dans le présent travail le terme d’espace ou de pays post-soviétiques. Sur le concept d’ « étranger proche » : http://www.regard-est.com/home/breve_contenu.php?id=1134

[13] Gomart, 2006, p.9.

[14] http://www.rg.ru/2005/06/07/yazyk-dok.html

[15] Facon, 2010, p. 71.

La Russophonie : Communication et conciliation

La Russophonie : communication et conciliation 

 

la langue russe et l’acquis culturel qu’elle véhicule ne sont plus aujourd’hui la propriété d’un seul pays ni d’une seule ethnie… Elle est le patrimoine commun de plusieurs pays, peuples, individus, éparpillés dans le monde

 

L’actualité du monde post-soviétique nous apporte souvent son lot de nouvelles, plaçant en apparence au centre des différends, voire des conflits, la question de l’usage de la langue russe. De telles situations conflictuelles sont en fait artificielles et ne correspondent guère aux sentiments profonds de la plupart des gens qui bénéficient de la connaissance du russe, quelles qu’en soient les raisons. A condition bien sûr de ne rien imposer à personne ni dans un sens ni dans l’autre !

Ce n’est pas toujours le cas et attiser des conflits d’un autre temps, potentiellement toujours dangereux, peut parfois profiter à quelques dirigeants, aux dépens de leur propre population.

Les appels à décourager ou même à interdire le recours à une langue sont pour le moins déconcertants, car quelle qu’elle soit, une langue est, toujours, sous toutes les latitudes, un atout supplémentaire pour trouver un travail, voyager, se cultiver, comprendre le monde, accéder à d’autres connaissances ou manières de voir et, tout simplement, développer ses capacités intellectuelles.

 

Bien sûr, il ne s’agit pas de nier les souffrances ou les humiliations subies sous le totalitarisme par tous les peuples de l’ex URSS, y compris les Russes. On peut aussi comprendre les aspirations nationales, voire nationalistes, trop longtemps placées sous le boisseau de la standardisation soviétique.

 

Mais une fois les presque 20 ans de transition passés, les plaies pansées, en voie de cicatrisation, les reconversions des personnels politiques plus ou moins effectuées – même s’ils ne se sont pas encore complètement partagés les biens de l’ex-état soviétique -, comment expliquer et comprendre le soin apporté à maintenir la haine et l’exclusion de toute une langue et de toute une culture ? D’autant que ces interdictions et bannissements se font en dernière analyse au dépend de la majorité des populations et des peuples dont on prétend défendre « l’identité », parfois quitte à la diluer dans l’anglais, langue mondiale aussi unique qu’approximative la plupart du temps. Car « l’identité » des peuples russophones, quelle que soient leur ethnie, leur religion ou leur langue maternelle, contient aussi un élément porté par la lingua franca qu’ont pratiquée avec plus ou moins d’enthousiasme leurs ancêtres et leurs proches. Le renier, c’est en partie se renier soi-même, se couper de son passé, d’une partie de ses racines et d’une façon de réfléchir et de sentir.

 

Car il s’agit bien de cela : la langue russe et l’acquis culturel qu’elle véhicule ne sont plus aujourd’hui la propriété d’un seul pays ni d’une seule ethnie, comme le pensent certains Russes d’une façon compréhensible mais erronée. Elle est le patrimoine commun de plusieurs pays, peuples, individus, éparpillés dans le monde de par la volonté de l’histoire mouvementée du XX ème siècle. Des gens différents et riches de leurs variétés, de leurs idées et de leurs conceptions, parfois aux antipodes les unes des autres, y compris dans leur rapport à la Russie, à son passé et à son présent. Malgré tout ils ont un point de convergence et de rencontre, une chance de se retrouver autour d’une langue commune, ne serait-ce que pour désamorcer les conflits.

Ce sont les préoccupations de cet ordre qui ont justifié la création de l’ONU.

 

Or, c’est tout le contraire qu’on voit malheureusement par endroits : le russe au lieu de rapprocher, comme il en la vocation naturelle, différentes nationalités ou ethnies d’un même pays, est utilisé par les uns pour affirmer une identité bien peu sûre d’elle-même, puisqu’elle nie une partie de soi-même. Et par les autres pour justifier leur inaction et se contenter de glaner des voix, en réclamant seulement le droit de minorités nationales « parlant russe » à pouvoir utiliser leur langue sans se soucier des problèmes autrement plus complexes.

 

Même si le droit d’utiliser sa langue est effectivement imprescriptible et garanti par les institutions européennes, qui oublient parfois de s’émouvoir de vexations contre des locuteurs de langue russe, l’enjeu de la russophonie est bien au-delà : il est une des manifestations concrètes d’un monde véritablement multipolaire.

 

Dans le souci d’éviter tout antagonisme potentiel, nous préférons parler de russophones et non de « parlant russe », comme on dit en russe. L’expression, devenue conflictuelle, a pris un sens de représentant d’une minorité nationale, se distinguant du reste d’une communauté. Alors que cette dernière dispose encore (pour combien de temps ?) tout entière, si elle le souhaite, du patrimoine linguistique russophone : outil de dialogue à l’intérieur, passerelle de contacts privilégiés à l’extérieur, vers les russophones bien sûr, mais aussi à travers le russe et sa traduction, vers d’autres peuples et d’autres langues.

 

Cette vocation unificatrice et pacifique sous-tend l’idée même du prix Russophonie.

 

Dimitri de Kochko

Journaliste, Président de l’Association France-Oural

 

 

Русофония: взаимосвязи и диалог

 

В новостях о пост-советском мире до нас часто доходят сведения о конфликтах, которые разгораются вокруг русского языка. Конфликтные ситуации вызваны большей частью искусственно, и не являются свидетельством отрицательного отношения к русскому языку тех людей, которые в силу различных причин его изучили. Разумеется, мы говорим о тех случаях, когда речь не идет о насильственном навязывании чего бы то ни было. Длить распри всегда неплодотворно; политики ради минутной выгоды, раздувая распри, доставшиеся от прошлого, наносят своему народу серьезный ущерб. Простой здравый смысл отказывается понимать, какой вред может принести владение дополнительным языком.

Призывы запретить какой бы то ни было язык вызывает недоумение. На всех широтах владение лишним языком дает дополнительную возможность найти работу, путешествовать, получать образование, понимать окружающий мир, постигать иные культуры, иные ценности, развиваться интеллектуально.

Понятно, что при тоталитарном режиме, царившем в бывшем Советском Союзе, все нации, включая и русскую, были подавлены и унижены. Всплеск национальных чувств, слишком долго находившихся под катком советской стандартизации, понятен.

Но Советского Союза нет на карте уже почти двадцать лет, раны затягиваются, политические деятели переходят на мирные пути взаимодействия, и непонятно, зачем разжигать ненависть к русскому языку, отгораживаться от культуры целой страны? При ближайшем рассмотрении запреты и ограничения русского языка вводят вопреки желанию большинства людей, чье национальное единство хотят таким образом защитить. Единство народов-руссофонов, вне зависимости от их этнического происхождения, религии и родного языка, состоит еще и в том, что их предки, близкие им люди, пользовались для общения русским языком. Отрицать это значит отказываться от частицы самих себя, отсекать свое прошлое, обрезать корни, лишать себя одной из возможностей думать и чувствовать.

В настоящее время русский язык и то культурное наследие, которое передается благодаря ему, перестали быть достоянием одной страны, одной нации, – если некоторые русские думают иначе, то они ошибаются. Русский язык в силу бурной истории ХХ века стал достоянием многих стран, многих народов, многих людей, рассеянных по всему миру. Людей самых разных, непохожих по убеждениям и образу мыслей, по-разному относящимся к России, к ее прошлому и будущему. Но у всех этих разных, непохожих друг на друга людей, есть общая почва, эта почва- русский язык, а значит и возможность понять друг друга, договориться, избежать конфликтов.

Именно этими целями руководствовались организаторы ОNU (расшифровать по русски)

Однако мы часто наблюдаем другое: русский язык используется не для сближения разных стран, менталитетов, этносов; от него стараются отмежеваться,  подчеркивая свою национальную особенность, а значит и обособленность. Политики, которые собирают голоса, играя на национальной обособленности, не хотят понять, что порождают таким образом новые сложные проблемы.

Право говорить на своем языке – неотъемлемое право каждого, и обеспечивают его различные европейские учреждения, которые, правда,порой не обращают внимания на ущемление русского языка, но смысл руссофонии в другом, она одно из проявлений многополярного, разноликого мира.

Избегая возможных отрицательных нюансов, мы предпочитаем и предлагаем использовать термин «русофон» вместо термина «русскоязычный» как это принято в русском языке. Термин «русскоязычный» в настоящее время несет на себе отрицательный заряд, часто обозначая представителя национального меньшинства, отличающегося от остального сообщества, в то время как руссофон видится нам прежде всего как человек, ведущий диалог на русском языке с представителями самых различных стран, получающий доступ, благодаря переводам, к культурным ценностям всех народов.

Именно объединяющую функцию языка мы и хотели подчеркнуть, вручая премию «Русофония».

Димитри де Кошко,

журналист, президент Ассоциации Франс-Урал.

 

Les Journées du Livre russe et des Littératures Russophones

Association FranceOural                                                                                                                                                                                         14 rue des Tapisseries – 75017 Paris  contact.france.oural@gmail.com

france.oural@gmail.com
www.france-oural.fr
www.prix-russophonie.fr
Tel./fax : 33 (0)9 83 66 40 77                          Paris, le         7/03/2019

Les Journées du Livre russe et des Littératures Russophones

Созданные и организованные нашей Ассоциацией более 10 лет назад Дни Русской Книги и Русскоязычных Литератур – самое значимое культурное событие во Франции с целью открытия и распространения русской литературы и языка в творчестве писателей, поддержания их издателей во Франции и вознаграждения работы переводчиков. Они проходят в Париже, и являются одними из обязательных встреч франко-русского культурного календаря, привлекая все более многочисленную и разнообразную публику (более 3000 посетителей в этом году).

Успех Дней предопределяют три главные составляющие:

  • Литературные встречи с приглашенными русскими и французскими писателями (около 30), вокруг одной тематики, с автограф-сессиями и литературными диспутами;
  • Книжный салон – с участием более 50 издтельств, библиотек, книжных магазинов и ассоциаций;
  • Вознаграждение переводчиков вручением Премии Русофония после тщательного, длящегося весь год отбора произведений, представленных компетентному жюри, – всего около 50 книг, изданных в предыдущем вручению Премии году.

 

Также на Днях представлены:

  • Педагогическое направление – с мастер-классами по переводу, обменом опытом преподавания русского языка как иностранного и курсов русского языка для всех типов учеников (дети-билингвы, взрослые, иностранцы).
  • Культурное направление – фестиваль фильмов, чтения на двух языках литературных текстов (оригинал и перевод), театральные представления, художественные и фото-выставки, концерты.

 

«Союз носителей русского языка во Франции (AFR) уже несколько лет в рамках нашего фестиваля проводит национальный конкурс «предназначенный для учащихся государственных и частных школ, колледжей, лицеев, владеющих или нет русским языком». Торжественное вручение премии победителям проводится во время церемонии, предшествующей вручению Премии Русофония, после которой посетители получают бесплатный каталог Премии.

В 2019 году «Дни» проводились в десятый раз 16 и 17 февраля, в Мэрии 5 округа Парижа, 21, place du Panthéon. Приглашаем Вас ознакомиться с программой и расписанием фестиваля на нашем сайте : –Вы можете связаться с нами контакту

 

Lettre soutien Pouchkine Kinghiz

 

Union des Russophones de France

14, rue des Tapisseries 75017 – Paris

Tél : +33 146225518                                                                         Париж, 12 декабря 2015

 

 

Гну. Губернатору Иссик Кульской Области

Эмилбеку Саламатовичу Каптагаеву

 

 

 

Глубоко уважаемый Эмилбек Саламатович

 

До нас дошла новость о том, что у Вас в области было принято решение оставить за парком имя Александра Сергеевича Пушкина.

Позвольте нас — русофонов, то есть русскоговорящих, из Франции Вас поблагодарить и поздравить с таким решением.

Нас особенно волнует и интересует судьба русского языка в Кыргызстане потому что когда мы во Франции создавали Союз Русофонов и премию Русофония за лучший перевод с русского на французский – «крестный отец» этой ежегодной Премии — которая в феврале уже будет вручена в десятый раз — являлся Чингиз Айтматов. Он на церемонии вручения первой Премии сказал в поддержку идеи русофонии : «русский язык для русских конечно важный, но для нас он ещё важнее».

Это основа самой идеи русофонии, для которой русский язык теперь не достояние только одного народа и этот язык является исключительным способом взаимного общения со всеми культурами. Без общего языкового моста, такое общение было бы значительно затруднено. Даже самого Айтматова — не смотря на его талант – кто знал бы во всем Мире без русского языка ? Это он сам нам объяснял.

А имя Пушкина конечно символ прелести этого языка — для нас общего — и при том поэзия – это язык души, к которому кыргызы – народ очень чувствительный по тому, что мы знаем именно благодаря русскому языку.

Пушкин писал на русском и Айтматов русский язык объединил с кыргызами и всеми русофонами Мира.

Спасибо Вам и всем Жителям Иссик Кула.

 

С глубоким уважением

 

Дмитрий Борисович Кошко

Со-учредитель Союза Русофонов Франции

Член Координационного Совета российских соотечественников во Франции

La Russophonie : Compatriotes ou russophones

Pour concevoir la notion de « russophonie »,  Les Russes connaissent actuellement les difficultés qu’ont connues avant eux les Français pour appréhender la notion de francophonie.

Pendant longtemps, et parfois aujourd’hui lorsque la langue fourche ou que le protocole n’a pas veillé à tout, il arrive que des officiels français baptisent de Français des Québéquois ou des Suisses romands, voire des Algériens ou des Sénégalais… Une langue commune rend plus proche. Les références communes, des perceptions identiques, voire des sonorités pinçant les mêmes cordes sensibles assurent l’appartenance à une même famille. C’est tout l’intérêt affectif de ce patrimoine commun.

On n’en est pas pour autant des compatriotes et comme dans toute famille, la personnalité de chacun doit pouvoir trouver sa place. Il est évident qu’il n’y a aucune intention de blesser ou de vexer dans cette appropriation de la part de Français ou de Russes. Il y aurait même là une véritable affection. Mais elle peut être ressentie par certains comme une étreinte par trop étouffante. En raison du poids de l’Histoire ou simplement par un souci d’identité bien compréhensible et d’autant plus exacerbé qu’il s’est senti nié ou amoindri dans le passé.

C’est pourquoi, sans même envisager les situations conflictuelles qui existent pourtant, la question de l’appellation compatriote n’est pas anodine et reste sensible.

Paradoxalement, elle l’est davantage aujourd’hui pour les Russes que pour les Français. Les seconds se sont faits à l’idée de francophonie et ont accepté les différences en commençant même à en apprécier les richesses (par exemple le « courriel » des Canadiens s’impose peu à peu en France même face au « mel »bien peu imaginatif des académiciens français… ). Les Russes et leurs anciens « compatriotes » soviétiques pour le coup, ne s’y habituent pas encore parfois.

Paradoxalement aussi parce que l’empire russe, précisément parce qu’il était un empire, a beaucoup moins nié ou réprimé les nationalités ou les langues dans ses territoires que la France jacobine. On ne tapait pas sur les doigts d’un petit Tatare ou d’un Nenets qui parlaient leurs langues dans les écoles russes. Simplement, s’il souhaitait une progression sociale il se devait de parler la langue commune des peuples de l’empire. Rien de tel en France où la notion de République a pris le dessus sur celui de l’appartenance nationale bretonne, alsacienne, corse ou catalane.

De ce fait, la notion de bilinguisme redevient naturelle pour les Français après la parenthèse du XXème siècle, alors qu’elle n’a jamais cessé de l’être pour les Russes. Et pour ces derniers, la présence d’une seconde langue et la différence ethnique ou nationale affirmées n’ont jamais empêché d’être compatriote.

Dimitri de KOCHKO

 

Citation :  Мне кажется, что если мы будем считать его единственным центром только Российскую Федерацию в современных границах, то мы тем самым погрешим против исторической правды и искусственно отсечем от себя многие миллионы людей, которые осознают свою ответственность за судьбы Русского мира и считают его созидание главным делом своей жизни.

Нужно выработать такой тон отношений, с помощью которого проявлялось бы уважение друг к другу, исключался бы всякий патернализм, всякая попытка играть роль «старшего брата», подчеркивались бы национальные интересы каждой из стран и выражались соборные усилия в строительстве общественной жизни с опорой на общую духовно-культурную традицию. В одиночку даже самые крупные страны Русского мира не смогут отстоять свои духовные, культурные, цивилизационные интересы в глобализирующемся мире.

 

Можно было бы даже ввести в употребление такое понятие, как страна Русского мира. Оно означало бы, что страна относит себя к Русскому миру, если в ней используется русский язык как язык межнационального общения, развивается русская культура, а также хранится общеисторическая память и единые ценности общественного строительства. В данном случае я не предлагаю чего-то нового, ведь примерно по такому принципу существуют такие объединения, как Британское содружество наций, содружества франкоязычных и португалоязычных стран, ибероамериканский мир.

Чтобы такой Русский мир был сплоченной реальностью, а не аморфным образованием, необходимо одновременно действовать на нескольких уровнях. Прежде всего мы должны опираться на взаимодействие между гражданскими обществами стран Русского мира.

 

Prix Russophonie Chirac

Au moment  où est organisée, à l’Hôtel de Ville du Kremlin-Bicêtre, la quatrième édition du Prix Russophonie, je tiens à exprimer aux organisateurs de cet évènement tous mes vœux de plein succès. J’y joins mes félicitations les plus chaleureuses pour les lauréats.

 

L’initiative, prise en 2005, par l’Association France-Oural, avec l’appui de la Fondation Boris Eltsine, apporte une contribution significative au rapprochement entre les cultures française et russe, auquel je suis particulièrement attaché. Récompenser la meilleure traduction du russe vers le français en est un beau symbole.

 

Cette année, la remise du Prix Russophonie constituera l’un des premiers évènements marquant la célébration de l’année croisée France-Russie. Elle s’inscrit ainsi parfaitement dans ce qui sera un temps fort de la relation entre la Russie et le France.

Jacques Chirac, président de la République

La Russophonie-Francophonie : Culture et géopolitique

Un clip visible sur Youtube met en scène un chef d’entreprise russe que vient voir un directeur affolé : « notre partenaire letton de 30 ans nous écrit … en letton ! Que faire ? – pas d’inquiétude, répond le PDG. J’ai transféré la proposition à notre filiale au Kirghizstan. Ils leur répondent… en kirghize ». Les trois pays ont une langue en commun : le russe. Comme disent nos amis anglo-saxons, experts en la matière : « business is business ».

Et pourtant, pour cause de contraintes et préjugés qui confinent au fanatisme, à la xénophobie, à la  bêtise et malheureusement à la haine, on en arrive à se tirer une balle dans le pied. Car enfin, quoi de commun entre une langue qu’on a la chance de posséder, quel qu’en soit la raison, et l’opposition à la politique d’un État.

Une langue et la culture qu’elle véhicule ont une pérennité plus longue et une étendue autrement plus grande dans l’espace que la longévité du personnel politique qui ne plaît pas à un moment donné. La situation n’est pas seulement absurde. Elle devient aussi dangereuse. Par les atteintes aux libertés, les discriminations, l’intolérance et la haine qu’elle suscite autour du simple usage d’une langue – parfois langue maternelle –, dont on entend priver les locuteurs.

C’est le cas en Lettonie, où les écoles russes, enseignant pourtant les deux langues du pays réel, sont maintenant interdites. Il y a pourtant là une minorité de langue russe qui vit dans certaines régions du pays depuis des siècles. Et pas seulement depuis les 70 ans d’après guerre, comme on l’écrit souvent. Imagine-t-on l’interdiction d’écoles en français en Belgique par une majorité flamande ? L’Union européenne et le Conseil de l’Europe resteraient-ils aussi silencieux que face à la situation des russophones lettons (où, qui plus est, tous les Russes et Lettons de plus de 30 ans sont russophones) ? Et au Canada, le français interdit, cela donnerait quoi ? Et les mêmes admettraient-ils des déclarations publiques de responsables politiques appelant à «traiter à coups de chaussures» les gens parlant russe, comme le fait très médiatiquement l’ex-députée ukrainienne Irina Farion ? Pourtant, le pays est bilingue. La négation de cette réalité a mené à la guerre civile.

D’autres pays ont connu de telles tensions pour les mêmes raisons. De la discrimination par la langue, on glisse vers la discrimination tout court et finalement à des comportements russophobes, comparables au racisme. L’offensive anti-langue russe pour cause de crise géopolitique concerne aussi certains pays d’Asie centrale. Sous diverses pressions, des pays ont renoncé à l’alphabet cyrillique. Malgré le coût que cela représente et la coupure culturelle intergénérationnelle que cela provoque. Au Kirghizstan, une campagne est développée pour renoncer au statut officiel de la langue russe comme seconde langue. Le Tadjikistan est revenu à l’écriture persane. Pourtant Kirghizes et Tadjikes sont des centaines de milliers à travailler en Russie… leurs familles survivent grâce à leur connaissance du russe. Cette offensive anti-langue russe revêt maintenant un caractère plus menaçant pour l’Europe aussi depuis les changements en Afghanistan, où les différentes tendances islamistes et leur parrain pakistanais n’ont pas renoncé à leur ambition sur l’Asie centrale.

Rappelons-le, la russophonie, tout comme la francophonie, ne prétend guère à remplacer quelque langue vernaculaire que ce soit. Le russe comme le français sont des « langues ponts » qui s’ajoutent aux langues nationales. Leur vocation est plutôt conciliatrice et non conflictuelle et permet une communication interactive avec le reste du monde et d’autres espaces culturels et linguistiques. Elles le permettent en préservant mieux les particularités de ceux qui y recourent et préservent l’héritage humain de la standardisation et des raccourcis. Elles sont des espaces alternatifs au tout anglais des aéroports et de la « com ».

C’est peut-être précisément cette multi-polarité culturelle représentée par la russophonie et la francophonie qui gène ceux qui aspirent à un gouvernement mondial anglophone unique. En octobre 2018, année de la mort de Charles Aznavour, en un point de jonction symbolique entre russophonie et francophonie, à Erevan (Arménie), le sommet de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), a choisi de placer à sa tête la Rwandaise Louise Mushikiwabo, ministre des Affaires étrangères du Rwanda où l’anglais est devenu obligatoire dans les écoles dont le français a été chassé ! Oui, aujourd’hui, russophonie et francophonie ont partie liée !

Dimitri de KOCHKO

La Russophonie : La traduction au cœur

Pour l’espace de culture que représente la russophonie, la traduction vers d’autres langues et en provenance d’autres langues est une nécessité plus encore que pour d’autres langues.

 

Car la russophonie ce n’est pas seulement l’usage de la langue russe par et pour elle même. L’ensemble de locuteurs pour qui le russe est soit la langue maternelle, soit une seconde langue, soit une langue étrangère en usent aussi comme outil privilégié d’échanges et de découverte d’autres cultures.

Il se fait  partout dans le monde, par des millions de gens de centaines de nationalités, pratiquant des dizaines de langues différentes et diverses religions, avec des cultures et des convictions dont la diversité est déjà en soi une richesse de l’humanité. Malheureusement, souvent méconnue.

 

Car cette diversité est souvent celle de peuples peu nombreux, pas forcément prospères, et parfois placés par la géographie loin des pôles de développement et par l’Histoire au sein d’un empire qui a gommé leur identité vis-à-vis de l’extérieur, tout en leur garantissant une existence à l’intérieur.

 

Existence pleine de paradoxes au sein de l’empire, caractéristique de ces régimes depuis les empires romain ou perse, jusqu’aux Habsbourg et Romanoff suivis des soviétiques. Dans l’empire russe et soviétique, la langue russe a été à la fois celle du régime et du totalitarisme et donc la condition sine qua non de la promotion sociale, mais en même temps celle de la préservation et de la diffusion des cultures nationales au sein de l’empire et au-delà. En tout cas bien au-delà de ce qu’aurait permis une langue vernaculaire.

 

C’est bien sûr le cas des littératures, comme le disait l’écrivain kirghize Tchenguiz Aitmatov, invité de la première édition du prix russophonie où il a dit l’importance du russe pour les peuples d’Asie centrale. Elle était « son espace », comme le rappelle Irène Sokologorsky. Comme elle a été « l’espace » des cinémas estonien, géorgien ou kazakhe pour citer les plus brillants, qui ont été privés de public avec l’effondrement de l’empire. Comme elle est encore aujourd’hui une langue privilégiée d’échanges économiques pour les Moldaves, les Baltes, voire les Tchèques ou même les Polonais…

 

A l’inverse, les nouveautés, les progrès et la culture du monde ont pu pénétrer parmi les peuples et les langues les plus variées par l’intermédiaire du russe. Revues scientifiques américaines ou romans latino-américains sont accessibles au Bouriate ou à l’Azéri le plus souvent grâce au russe.

 

C’est parfois un aspect oublié de la russophonie qu’on a tendance à limiter au rayonnement de la seule Russie. Oubli qui commence bien souvent par les Russes eux-mêmes. Pourtant, si tous ceux qui se servent et sont attachés au russe veulent que cette langue garde son statut, son importance et sa valeur mondiale, ils doivent faire vivre ce vecteur là de la langue. Celui de la diffusion au reste du monde des cultures et apports de peuples russophones non russes et de la garantie de l’accessibilité aux dernières nouveautés technologiques, scientifiques et intellectuelles du reste du monde pour les peuples russophones aux langues moins répandues.

 

 

Ce rôle très actuel de la russophonie, qui menacerait sa place s’il est délaissé ou incompris, passe par la traduction. Dans les deux sens : du russe vers les langues du monde d’une part et d’autre part vers le russe à partir des langues plus locales liées à la russophonie et à partir des autres grandes langues du monde.

 

Le russe a cessé aujourd’hui d’être la langue dominante d’un empire, elle reste un véhicule utile, efficace pour communiquer entre peuples de l’ex-empire et avec l’extérieur. Rares sont les francophones, par exemple, qui apprennent l’ouzbek et rares sont les Azéris qui savent le wolof ou le swahili pour se faire connaître en Afrique. Tout aussi demandée est la traduction en russe d’ouvrages théoriques ou scientifiques les plus contemporains écrits en anglais ou en allemand, pour permettre non seulement au Russe mais aussi aux autres russophones d’en avoir connaissance. Si le russe ne sert plus à cela aussi,  les jeunes générations le délaisseront au profit du seul anglais !

 

C’est là une dimension de l’importance de la traduction pour la russophonie.

 

Il reste bien sûr la valeur traditionnelle de la traduction du russe en français. Celle de Melchior de Vogüe ou de Pierre Pascal. L’échange entre les espaces culturels et linguistiques  russes et français, russophones et francophones est étonnamment vivant et visiblement nécessaire aujourd’hui. Malgré l’image de la Russie désastreuse et il faut bien le dire fausse à force de parti pris, véhiculée par la plupart des médias français, l’intérêt pour la littérature en russe ne faiblit pas dans le monde francophone. En témoignent les quelque 60 traductions éditées en un an et présentées dans ce catalogue. Une quarantaine sont en plus de nouvelles traductions et participent à ce titre au prix russophonie.

 

La relation quasi affective entre les mentalités et les « âmes » gauloises et slaves ne se dément pas. Il en résulte un certain antidote aux ferments de haine distillés ça et là. Et de la découverte par la traduction peut naître bien souvent la volonté d’apprendre pour accéder à la connaissance de la langue de ceux qu’on a jusqu’à présent fréquenté grâce aux sous-titres. Et aujourd’hui, avec la russophonie et la francophonie, cette fréquentation dépasse la seule Russie ou la seule France, pour devenir un échange entre deux espaces culturels multiethniques.

 

Dimitri de Kochko,

Président de France-Oural

 

 

Russophones et russophones  … (encadré1)

 

Il y a environ 150 millions de Russes (plus exactement Russiens pour inclure les Tatares, les Mordves, les Tchétchènes et toutes les autres nationalités de Russie) dans le monde et au moins le double de russophones, soit 300 millions, selon les estimations les plus basses.

Cela inclut les populations de l’ex URSS et les diasporas aux Amériques, en Australie, en Israël, en Allemagne, en France….

 

Compliquons les choses.. Il y a deux sortes de « russophones ».

Le russophone qui parle le russe ET sa langue ou ses langues. Pour la version trilingue c’est justement le cas des Ossètes (Alains) qui parlent souvent russe, ossète et géorgien, ou des Tadjiks d’Ouzbekistan ou des Turcs Meskhètes de Moldavie… En bilingues, c’est le cas des Arméniens, des Azéris, des Ouzbeks, des Lituaniens ou des Lettons, mais aussi des Israéliens, des Allemands, des Américains, etc.

 

Et il y a ceux qui ne parlent QUE le russe ou en russe essentiellement. En dehors des habitants de la Fédération de Russie, ce sont le plus souvent des Russes ou des gens d’autres nationalités de l’ex-URSS (Ukrainiens, Biélorusses, Moldaves, Juifs, Tatars…) transplantés au sein de l’ex-empire dans un « pays » tiers, notamment dans les pays baltes. Ils y constituent alors des minorités souvent nombreuses, parfois sujettes à conflit.

Soit parce que des autorités du moment estiment utile de nier leurs différences et leurs droits de minorité et de les réduire à un statut de citoyens de seconde zone, au mépris des lois et principes de l’Union européenne. Soit, parce que certaines tendances politiques de ces populations, devenues des minorités uniquement russophones, pensent pouvoir défendre leurs droits en voulant ignorer leur appartenance à un nouveau pays. Le plus souvent, les deux aspects se mêlent.

 

En défendant la russophonie en tant que capital dont on a la chance de disposer quelles qu’en soient les raisons historiques, on ne peut que se désoler de voir deux communautés malgré tout russophones même si c’est très différemment, ignorer ce qu’elles ont en commun. Cela pourrait pourtant pousser à davantage de conciliation.

Le respect de principes européens, basés sur un respect réciproque et sincère des différences et du droit des minorités, allié notamment à l’exploitation de la richesse représentée par son patrimoine commun dont le russe fait partie, pourrait contribuer à éviter des querelles dérisoires mais tragiques dans l’Europe d’aujourd’hui à l’heure des menaces dues à la crise financière et économique.

 

Dimitri de Kochko (Septembre 2008)

Encadré 2:    traduction encore :

 

En russe, l’ambiguïté entre les deux types de « russophones » pourrait se résoudre car il existe deux mots différents : «le parlant russe» (ruskojazychnyj) et « rusofon », le russophone, néologisme compris mais non attesté dans les dictionnaires.

Si l’on pouvait en nommant ainsi les choses, contribuer à désamorcer les conflits !

 

 

 

ENCADRE 3:      Russes et russophones

 

Le terme « russophone » a connu cette année une notoriété certaine. Malheureusement non dépourvue d’ambiguïté.

Commençons par les déclarations du président français Nicolas Sarkozy lors de son voyage à Moscou et à Tbilissi en août dernier, en pleine crise d’Ossétie. Il a alors reconnu aux Russes le droit légitime de défendre les « russophones » dans le monde. C’était sans doute plus que ne lui demandaient le Président et le Premier ministre russes et c’est loin d’être le souhait de tous les russophones du monde.

Mais si dans le cas des propos présidentiels, on peut supposer un lapsus un peu rapide, il n’en est pas toujours de même dans de nombreux articles et infographies de certains journaux, y compris de grands quotidiens français tels le Monde, le Figaro ou Libération…

Dans tous ces cas, le mot est employé d’une manière fautive qui induit une erreur non seulement sémantique mais aussi d’analyse géopolitique. Il s’agit d’une confusion entre les mots russophone et russe. C’est une erreur bien étonnante, soit dit en passant, de la part de Français qui savent se distinguer des autres francophones !

Ainsi, dans certaines cartes infographiques, notamment et pour prendre un exemple particulièrement révélateur, celle du Monde daté du dernier week-end d’août[1], on lit avec un certain étonnement que l’Ukraine ne compterait que17,3% de russophones, alors qu’il s’agit bien évidemment de Russes. L’Ukraine compte facilement 85 à 90% de russophones dans l’ensemble du pays. Moins en Galicie et 100% en Crimée, dont 60% sont Russes. Le Figaro, quelques jours plus tôt, ne voyait pour sa part que 58% de « russophones » dans la presqu’île, où tout le monde parle russe et où la langue a d’ailleurs un statut officiel avec l’ukrainien et le tatare.

C’est la même chose pour la Moldavie : le Monde n’y voit que 5,8% de russophones alors que 95% des gens parlent russe, dont 60% à concurrence avec le roumain. En Arménie, les 0,5% affichés par le Monde sont franchement comiques, sans parler de la Biélorussie où 11,4% de russophones, selon la carte, ont de quoi étonner une population intégralement et souvent uniquement russophone…

 

Quand Nicolas Sarkozy reconnaît un droit à la Russie de prendre la défense de « russophones» en Géorgie et sous-entendu ailleurs, comme l’ont souligné quelques commentateurs français, il parle évidemment des Ossètes. Ces derniers ont reçu la citoyenneté russe (comme leurs compatriotes du nord) pour pouvoir voyager, puisqu’ils n’avaient plus de passeports géorgiens depuis les affrontements de 1992. Ces derniers avaient déjà vu des nationalistes géorgiens se livrer à des massacres contre les Ossètes du sud, ce qui explique la « république séparatiste », née à cette époque sur les cendres de contentieux encore plus anciens, notamment des affrontements en 1918-20 au moment de la guerre civile.

 

Mais les gens de nationalité ossète sont aussi russophones que … les Géorgiens. Or les Russes n’intervenaient pas en août 2008 pour défendre les Géorgiens, sauf erreur, si ce n’est peut-être contre leur propre président.

DdK

 

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